De grâce ! Qui grâcier ?
Un prisonnier gracié qui retombe dans ses travers. C’est hélas fréquent. Pour un individu normal, détenu (in)justement, le cachot s’apparente à une expiation des péchés. Partant de là, pour une personne ayant vécu cette épreuve, la libération sonne comme un nouveau départ. A l’aube de cette seconde vie sur terre, elle fait alors une croix sur le mal pour se fondre dans le bien.
Mais le monde serait, vous en conviendrez avec moi, trop beau si nous avions tous ce dégoût pour le vice. Certaines âmes égarées semblent, au contraire, s’en délecter. Le récent assassinat d’une ressortissante congolaise à Grand-Yoff, l’une des localités les plus dangereuses de Dakar, met notre société devant ses responsabilités. Comment en est-on arrivé là ?
L’insécurité, même de jour, dans des endroits de la capitale mérite une étude sérieuse pour tuer dans l’œuf ses manifestations protéiformes. Garant de la sécurité des personnes et de leurs biens, l’Etat doit davantage renforcer les capacités humaines et matérielles des forces de défense et de sécurité.
Il ne s’agit point de mettre un policier ou un gendarme derrière chaque citoyen. Il faut au moins, à travers des patrouilles coordonnées et récurrentes, faire changer la peur de camp.
Au-delà, se pose la question de la pertinence de l’octroi de la grâce à des prisonniers dont on n’a aucune assurance sur leur volonté de réinsertion. Comment a-t-on utilisé le temps quand on leur a privé de liberté ?
Dans un pays où les pouvoirs publics rechignent depuis l’indépendance à construire des prisons pour ne pas y séjourner – selon une saugrenue croyance populaire – on entasse dans de minuscules cellules les condamnés et ceux qui attendent désespérément un jugement.
Nos prisons sont surpeuplées et les conditions carcérales inhumaines. Nous avons tous écouté les complaintes de l’artiste, et non moins lanceur d’alerte, Fou Malade. Depuis tant d’années, y-a-t-il une réelle politique pour changer la donne ?
Pour désengorger les geôles, la grâce s’offre comme une alternative. Une solution de facilité qui ne résout pas le problème. Combien de hors-la-loi rechutent un jour, une semaine, un mois… après leur élargissement ? L’analyse de cette statistique révélerait qu’on tourne en rond.
Gracié pendant l’Eid el fitr, communément appelée Korité, le bourreau de la Congolaise
serait un multirécidiviste dans la commission d’actes regrettables. Comme il y en a énormément dans ce pays. Dès lors, que doivent faire nos gouvernants ?
De deux choses l’une, soit on leur inflige les peines qu’ils méritent tout en essayant de les sauver de l’abîme grâce un programme de préparation à la réinsertion sociale ou bien on ne s’en occupe pas et ils nous pourrissent la vie. L’équation est simple. Pas besoin d’être un génie pour la résoudre.

 

Ibrahima Dione, journaliste.