La région de Kédougou a un riche potentiel économique. La production en or de cette localité est de 101 tonnes en 2021. Malheureusement la richesse du sous-sol en minerais contraste avec la précarité des conditions de vie de ses populations. C’est dire qu’à Kédougou, l’or ne brille pas pour les populations.

Hier, le carrefour des idées du Groupe Alkuma a organisé une deuxième conférence à Kédougou. A l’occasion de celle-ci, les  acteurs du secteur minier, les élus locaux et les populations se sont retrouvés autour d’une table pour débattre sur la thématique : ‘’Mines et Responsabilité Sociétale d’Entreprise (Rse), quels défis et opportunités pour les  collectivités territoriales : le cas de la région de Kédougou ?’’.

Le maire de la commune de Kédougou et par ailleurs Directeur général de la société ‘’Dakar Dem Dikk’’ et parrain de la cérémonie, monsieur Ousmane Sylla a après avoir souhaité la bienvenue à l’ensemble des participants salué la pertinence du thème. Selon lui, cette conférence vient à son heure, eu égard à la tension entre acteurs miniers et populations locales aboutissant à des manifestations et autres mouvements d’humeurs. L’édile estime qu’il est anormal que malgré tout le potentiel que regorge la région de Kédougou que celle-ci soit la deuxième région la plus pauvre du pays. En effet, on y enregistre un taux de chômage de 26,3% contre 15% au niveau national.  C’est pourquoi au nom des populations de la région, il souhaite que ‘’les sociétés d’exploitation aient une vision minière, avec comme ambition d’arriver à une exploitation à retombée équitable et optimale en vue d’une large croissance durable et d’un développement socioéconomique pour les populations  des trois (3) départements de la région de Kédougou’’ dit-il.  Dans la même veine, le DG souhaite également qu’ « une impulsion politique soit donnée à la Rse,  jusqu’ici largement laissée aux seules mains des entreprises ».

Pour monsieur Sylla, les collectivités territoriales ne sentent pas l’impact des réalisations des entreprises dans le cadre de la Rse. Dès lors il appelle ces dernières à mieux communiquer dans ce sens. Le premier magistrat  de la commune de Kédougou n’a pas manqué d’inviter les sociétés minières à penser à l’après mine. Sachant qu’une mine à une durée de vie, il demande aux entreprises d’être dans l’anticipation en formant les jeunes, en travaillant à la reconversion des miniers, mais aussi en mettant en place des mécanismes qui permettent aux entreprises de se réorienter et de se développer.

Le représentant du président du conseil départemental de Kédougou, monsieur Amadou Séga Kéita est quant à lui revenu sur une disposition de la constitution qui stipule de façon expresse que ‘’les ressources naturelles appartiennent aux peuples’’. C’est pourquoi il réclame le droit des populations locales dans l’exploitation minière. Pour lui, cette réflexion sur la Rse doit tourner principalement autour des stratégies et des politiques à définir et à mettre en œuvre pour que les populations (Kédougou et du Sénégal) profitent comme il se doit des retombées des ressources naturelles.

A en croire toujours monsieur Kéita, l’exploitation minière ne doit pas seulement se limiter aux règles écrites, elle doit prendre en compte les règles non écrites, les coutumes et usages des localités différentes. ‘’Par conséquent j’interpelle ici et maintenant les sociétés minières du Sénégal  par rapport à la sauvegarde de nos patrimoines culturelles qui sont en train d’être détruites’’, ajoute-t-il.

Le conférencier monsieur Ousmane Cissé, Directeur général de la Société des Mines du Sénégal a relevé qu’au cours des dix (10) dernières années, la production industrielle d’or est passée de 4 tonnes en 2019 à 16 tonnes en 2021, soit 390 milliards en valeur. Depuis l’entrée en production des gisements d’or de Sabodala en 2009, la production cumulée est de 101 tonnes d’or en 2021.

Lors de cette conférence également, plusieurs questions ont été soulevées, à savoir l’absence d’infrastructures de base, d’écoles, de structures sanitaires, le problème d’accès à l’eau, l’électricité  et surtout l’épineuse question de l’emploi des jeunes. Entre les Sociétés minières et les jeunes de Kédougou, les rapports sont tendus à cause de la lancinante question d’emploi. Les jeunes veulent être formés et recrutés dans les entreprises minières. Ils estiment que la population locale qui est plus impactée par les méfaits de l’exploitation bénéficie d’emplois. En effet au moins 10 jeunes ont perdu la vie entre 2011 et 2019 à cause de la poussière sur la route de l’or (axe Bembou-Sabodala). Cette situation a favorisé d’ailleurs la manifestation des jeunes des villages de Khossanto, le 14 novembre 2020 pour exiger son bitumage.

Au mois d’octobre 2021, les jeunes du village de Mako dans la commune de Tomboronkoto ont manifesté pour exiger leur recrutement par la société minière Petowal Mining Company (PMC). À l’issue de cette violente manifestation des jeunes  ont été arrêtés et mis en prison. D’ailleurs, la conférence a été l’occasion pour l’initiateur, le président directeur général du groupe Alkuma, monsieur Maké Dagnokho  de demander au chef de l’Etat d’œuvrer pour la libération de ces jeunes.

Dans la région de Kédougou, 23,3% des jeunes sont au chômage. Trouver de l’emploi même non qualifié est un véritable parcours du combattant dans cette partie du pays alors que l’exploitation de l’or y bat son plein. Un contraste et une situation qui provoque la frustration des populations. Cette dernière combinée au déficit de la responsabilité sociale de l’entreprise et de l’insuffisance du contenu local minier constitue pour monsieur Cissé, les dimensions majeures du triangle des conflits liés  aux ressources minérales de Kédougou.

Les sociétés minières présentes  à la rencontre ont pris la parole pour lister leurs réalisations à travers la Rse.

Ainsi dans le cadre d’assurer une traçabilité des paiements sociaux et de renforcer le contrôle des engagements pris par les sociétés, des recommandations ont été soulevées. Il s’agit dans un premier temps de mettre en place une structure ayant pour attribution, le suivi des engagements des sociétés minières en matière de Rse. La seconde recommandation consiste à mettre en place des mécanismes en vue d’assurer la traçabilité des paiements sociaux dans l’objectif de maximiser leurs impacts sur les populations locales.

 

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